ENVOYEZ-MOI LA GARDE SUISSE

Envoyez-moi la garde suisse était un spectacle « seul en scène » dont la particularité était que je souhaitais monter sur scène sans savoir par quoi j’allais commencer, ni, de ce fait, par quoi j’allais continuer.

Le besoin de ce spectacle est venu du questionnement inopportun qui a souvent fait irruption dans mes pensées alors que je jouais un spectacle (le mien, ou comme musicien pour d’autres) : quel est le sens de tout ça ?

« Tout ça », c’est par exemple jouer telle chanson à tel moment, parce qu’on l’a décidé avant, même si sur le moment on a envie d’en jouer une autre ; c’est se mettre à tel endroit parce qu’on a décidé en amont que c’est là qu’il y aura la lumière, même si on a envie de se reculer, ou de s’avancer. « Tout ça », c’est respecter les codes, la grammaire, du spectacle (par exemple, quand on amène un objet sur scène, ça doit avoir un sens dramaturgique, ça ne doit pas être « gratuit »…).

J’ai eu l’envie irrépressible de bazarder tout ça, et d’arriver sur scène dans une tenue pas adaptée et de faire un spectacle qui tiendrait compte du moment.

Si, en entrant sur scène, le public applaudit, ou si, au contraire, il est silencieux, ça n’amène pas la même énergie, pas la même envie.

J’ai donc préparé mes chansons, j’ai « répété » des improvisations (oui, je sais, locution oxymorique), rempli un « sac à dos » de possibilités, et j’ai lancé ce spectacle.

J’y ai vécu des vrais moments de scène. Parce que l’exercice exige de toujours être « en alerte », « dans le moment ».

La limite de ce spectacle, c’est qu’au bout de quelques dates, je me suis aperçu qu’il y avait des choses qui fonctionnaient bien. Et que j’avais malgré moi envie de reconduire, de « re-présenter », et que je commençais à reproduire un « présent » passé. Et là, deux solutions semblaient se présenter : soit je m’y refusais (et je me fermais alors à des possibilités, alors que ce spectacle avait comme ADN l’ouverture -à l’instant-), soit je travaillais ces passages (car ça n’était plus de l’improvisation, et je perdais alors le sens même de ce spectacle qui était de ne pas « re-produire » le fruit d’un travail de répétition).

J’ai joué ce spectacle une dizaine de fois, et il m’a fait le plus grand bien.

Je pense que les spectacles jeune public que j’ai créés dans la foulée doivent beaucoup à « Envoyez-moi la garde suisse ».